
Le pommier : Oui, sa culture est possible au Burundi
Au Burundi, la pomme est un fruit qui se mange importé, car sa culture y est presque inconnue. Exigeant un climat tempéré
pour fleurir et fructifier, personne n’a jamais cru qu’un jour le pommier pouvait pousser au Burundi. Raison pour laquelle sa culture n’a jamais été expérimentée. Face aux microclimats dus au relief du Burundi, les habitants de Muyinga sont en train de démontrer que ce fruitier, source de revenus et doté de vertus médicinales, peut bel et bien se cultiver au Burundi.
L’aventure des pommes à Muyinga, infirme l’hypothèse selon laquelle le climat burundais ne se prêterait pas à la culture locale des pommiers. Eh bien, la culture a été initiée en commune Butihinda par John Ndururutse. Commerçant et propriétaire de l’Hôtel Cizanye au chef-lieu de la province de Muyinga où on l’a rencontré, il raconte que: « J’ai installé une plantation expérimentale de deux cent quatre-vingts pommiers. Et cela marche très bien. Les pommiers ont cinq ans et portent déjà des fruits » avant d’ajouter qu’il compte en faire une exploitation économiquement rentable et créer de l’emploi pour les autres.
Jesus Marie Joseph Ntinanirwa possède aussi une centaine de pommiers sur la colline Rutoke, commune et province de Muyinga. Cet ancien journaliste reconverti en arboriculteur a créé une coopérative appelée « Verger digiri pommiers plus (Vedipo+) ». Il explique que « le pommier a besoin d’un sol bien drainé, qui retient l’humidité ainsi qu’une région où la température ne dépasse pas 32 °C. Pour le Burundi qui a un climat tropical avec des régions humides influencées par une altitude qui varie entre 773 m et 2 670 m, la culture des pommes est possible ».
Manque de recherches sur la culture des fruits
Même si les pommiers de la coopérative Vedipo+ sont en plein essor, M. Ntinanirwa est chagriné par la mise en seconde zone de la promotion des fruits comme la pomme, dans les politiques de l’Isabu (Institut des sciences agronomiques du Burundi). Des propos que ne contredit pas Emmanuel Nizigiyimana, expert à l’Isabu. L’expert confirme en effet que « jusqu’à ce jour, aucun programme de recherche sur les cultures fruitières n’a été initié, ni à l’Isabu, ni à la faculté des sciences agronomiques. L’enseignement agricole à tous les échelons reflète également cette lacune puisqu’ il n’existe pas de cours spécifiques sur la phytotechnie fruitière ».
Une culture destinée essentiellement à l’exportation
Selon l’initiateur de la coopérative Vedipo+, la culture de la pomme est un secteur prometteur au Burundi. « Alors qu’une pomme s’achète entre 1 500 et 2 000 FBu, toute ma production est écoulée localement et même en Tanzanie, et le gain est palpable », témoigne-t-il en effet tout joyeux. Cultivé à grande échelle, la pomme pourrait permettre l’entrée des devises au pays par son exportation. La pomme est en effet essentiellement destinée à l’exportation. L’Afrique du Sud en est un exemple parlant. Et pour preuve, le pays a travaillé à l’approvisionnement (en pommes) du marché sud-africain et ceux des pays voisins jusqu’en Europe et au Moyen-Orient. Avec une production totale de 900 000 tonnes de pommes en 2017, l’Afrique du Sud a exporté 560 000 tonnes pour un montant de 325 millions d’euros.
Gorgée de vitamines A, B et C
Bien plus, cette culture a plusieurs bienfaits sur la santé. Selon Dr Aloys Niyongabo, professeur de nutrition à la faculté de médecine de l’Université du Burundi, la pomme est gorgée de vitamines A, B et C, ce qui en fait un fruit qui renforce le système immunitaire. Sa consommation réduit les risques de maladies cardiovasculaires et de certains cancers. En outre, la pomme régularise le transit intestinal et facilite considérablement la digestion grâce à son acidité.
La culture du pommier étant dès lors possible au Burundi, sa promotion passera notamment par un relèvement du niveau de la recherche scientifique des variétés favorables au climat burundais par l’Isabu. Il faudra aussi sensibiliser les Burundais à la consommation des fruits puisqu’ils croient faussement que les fruits sont pour des gens aisés. Ce sera sans oublier d’amorcer un circuit commercial important pour procurer des revenus monétaires aux petits exploitants et favoriser les apports en devises par la diversification des produits exportables.
Franck Arnaud NDORUKWIGIRA.